Dossier Maroc-Espagne
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Ces sujets économiques qui soufflent le chaud et le froid !
La visite du nouveau Président du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, suscite beaucoup d’interêt car tout le monde s’attend à ce que plusieurs dossiers « chauds», qui lient les destins économiques des deux pays, soient abordés. Retour sur les sujets qui font la pluie et le beau temps dans les relations maroco-espagnoles.
La première visite officielle du nouveau Président du gouvernement espagnol au Maroc ne déroge pas à la tradition selon laquelle le Chef de gouvernement espagnol effectue toujours sa première visite officielle à Rabat. Cependant, la nouveauté réside dans un gouvernement marocain qui prend à peine ses quartiers dans le cadre d’une nouvelle Constitution. Si les sujets de discorde qui font monter la tension entre les deux pays voisins ne manquent pas et sont connus, «tout le défi est que, non seulement les gouvernements, mais aussi tous les acteurs impliqués des partis politiques et de la société civile, se mobilisent pour que ces relations ne soient pas matière d'utilisation dans les débats internes, mais un sujet de consensus national, d'une politique d'Etat», avance Anwar Zibaoui, expert dans les relations maroco-espagnoles et coordinateur général au sein de l’Association Méditerranéenne des Chambres de Commerce et d’Industrie (ASCAME).
Il déclare que le Maroc et l'Espagne ont opté pour la croissance parce qu’ils ont réussi à surmonter les derniers événements et à assurer un déroulement normal des relations économiques et de coopération. «Ceci démontre que dans ce domaine de coopération, le rapprochement a donné des preuves de dynamisme et d’efficacité accrue malgré les sujets chauds qui concernent les relations bilatérales », explique-t-il. Toute la question maintenant est de savoir comment ces « sujets chauds » évolueront avec l’avènement des deux nouveaux gouvernements. Rien n’est sûr, mis à part le fait que le nouveau scénario de la crise européenne exige de donner un nouvel élan à la coopération bilatérale. «Les relations politiques, économiques et sociales entre les deux pays doivent inaugurer une nouvelle étape», conclut Anwar Zibaoui.
La pêche : entre anti et pro !
L’accord de pêche est l’un des dossiers les plus vieux qui lient l’Espagne au Maroc. «Il existe bien avant l’accord avec l’UE. C’est Feu SM Hassan II qui avait invité le voisin espagnol à imaginer un accord gagnant-gagnant, car on ne pouvait pas refaire la géographie, disait-il. Il avait donné aux Espagnols le temps de venir investir au Maroc et de créer des partenariats avec les opérateurs marocains de pêche», se remémore Omar Akouri président de la Fédération de la Pêche Maritime et de l'Aquaculture (FPMA) et co-président de la Commission Mixte des Professionnels Marocco-Espagnols de la Pêche. Et d’ajouter: «Aujourd’hui, nous faisons un bilan positif de la relation de pêche qui nous lie à nos amis et frères espagnols, tout en regrettant le blocage du protocole pour des motifs politiques alors qu’il devait être réexaminé seulement dans ses aspects techniques et économiques».
En effet, le Parlement européen a rejeté la proposition de prorogation de l’accord de pêche après qu’il a été entériné par les gouvernements, faisant bien des mécontents, que ce soit dans les rangs espagnols ou marocains. Mais comme le dit l’adage, le malheur des uns fait le bonheur des autres. Car contrairement à ce que l’on pourrait croire, au Maroc comme en Europe, ce fameux accord est loin de faire l’unanimité de la profession. Pis encore, il divise carrément les opérateurs entre pro et anti accord de la pêche, ce qui n’arrange pas les affaires des Espagnols. En effet, la Confédération Nationale de la Pêche côtière au Maroc n’a pas hésité à faire une sortie médiatique, complètement à l’opposé de celle affichée dans la ville espagnole de Barbate par la Commission Mixte des Professionnels Maroco-espagnols de la pêche. «Un éventuel renouvellement de l'accord de pêche Maroc-UE porterait atteinte au secteur au Maroc», affirmait Mohamed Alalou, secrétaire général de la Confédération Nationale de la Pêche côtière au Maroc, dans un communiqué rendu public
La Confédération est contre tout accord dans la continuité de l’ancien. Ces positions contradictoires se font dans l’absence d’une réaction officielle que les professionnels attendent avec impatience, tandis que le nouveau gouvernement espagnol tente par tous les moyens d’ouvrir les voies des négociations pour un nouvel accord de pêche. Pour le moment, «personne ne peut anticiper sur l’avancement de ce dossier. Il faudra être sage et attendre de voir ce que le nouveau gouvernement marocain avancera », lâche Omar Akouri.
Agriculture : l’accord de la discorde
Le processus de ratification de l’accord agricole liant le Maroc à l’Union Européenne dure depuis plus de quatre ans. Après le rejet de la prorogation de l’accord de pêche, tout le gotha économique craint le pire. «Tous les professionnels du secteur gardent espoir car c’est un dossier qui doit absolument connaître un dénouement. Toutefois, je regrette que cet accord soit ramené à un problème entre le Maroc et l’Espagne», déplore Ahmed Ouayach, président de la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (Comader).
Le feu vert du Parlement européen tarde à voir le jour et, à chaque fois, pour une raison nouvelle, politique ou économique. Mais ce que les opérateurs marocains déplorent le plus, «c’est que les relations entre des pays liés par le bon voisinage soit sacrifié pour des histoires de poisson et de tomates», affirme sur un ton rêche un opérateur marocain. Le passage, en février prochain, de l’élargissement de l’accord agricole entre le Royaume et l’UE à la plénière du Parlement européen, sera un véritable examen pour la diplomatie marocaine. «Il ne faut pas oublier que les gouvernements européens ont approuvé cet accord. C'est le Parlement européen qui le bloque. La question qui se pose à ce niveau concerne l 'action de notre Parlement.», rétorque Ahmed Ouayach. Avant d’ajouter: «Il nous faut une diplomatie parlementaire dynamique, réactive et surtout utile.
Ceci car de son côté, le PP au pouvoir en Espagne, qui a clairement mis le secteur primaire au sein de ses priorités, n’a pas manqué de faire bouger ses relations, bien que l’avancement du dossier ne prédise rien de bon pour le Maroc. «Je reste très optimiste quant à l’aboutissement des négociations concernant l’accord agricole. J’espère que la raison finira par l’emporter, pour le bien de tous», déclare le président de la Comader
Activité portuaire: Tanger med vs Algésiras
La concurrence entre les deux ports, Tanger-Med et Algésiras, est une question bien moins directe que celles traitées précédemment. Là, il ne s’agit pas de crise entre les deux pays. «On peut même dire qu’il ne peut y avoir de concurrence entre les terminaux de transbordement de Tanger-Med et d’Algésiras, car l’opérateur Maersk régule et distribue le trafic entre ces deux places uniquement en fonction de ses besoins propres, indépendamment des contraintes nationales», avance Najib Cherfaoui, expert maritime. Autrement dit, dans le cas d’espèce il ne saurait y avoir de rivalité entre le Maroc et l’Espagne, puisque la décision d’affréter un navire vers tel ou tel port revient à Maersk qui contrôle l’accès à la Méditerranée grâce aux verrouillages simultanés du Détroit de Gibraltar et du Canal du Suez. «En fait, en confiant à Maersk la concession du principal quai de Tanger-Med, on a donné à cette dernière une position dominante et même de force sur le Détroit», nous dit notre expert. Avant d’ajouter: «A mon sens, quoi qu’il en soit, les deux ports travailleront toujours en complémentarité dans le domaine des transports de marchandises».
Malgré cela, certains faits marquent la compétitivité entre les pays voisins sur ce secteur stratégique. En effet, il n’y a pas longtemps, le gouvernement espagnol a décidé de voter une nouvelle loi sur les ports pour réduire les taxes portuaires. Lors de la même période, Maersk avait décidé de réduire de 25% son activité conteneurs sur le port d’Algésiras. Cette mesure correspondait surtout à un transfert d’un demi-million de conteneurs vers le port de Tanger-Med, qui offrait des tarifs avantageux lors des opérations de transbordement et, notamment , en matière de main-d’œuvre.
Il est vrai que bien après, il y a eu un revirement de situation où les dernières grèves qu’a connues Tanger-Med ont largement profité au port d’Algésiras. En effet, le port espagnol va finir l’année 2011 avec un trafic estimé à 3,5 millions de conteneurs, soit une progression de près de 25% par rapport à l’année précédente.
La rédaction de Challenge. Dossier. 02 Fevrier 2012.
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